dimanche 12 avril 2009

VALSE AVEC BACHIR


VALSE AVEC BACHIR

Valse avec Bachir est un film autobiographique. Ari Folman, metteur en scène israélien, a rendez-vous en pleine nuit dans un bar avec un ami en proie à des cauchemars récurrents, au cours desquels il se retrouve systématiquement pourchassé par une meute de 26 chiens. 26, exactement le nombre de chiens qu'il a dû tuer au cours de la guerre du Liban, au début des années 80 ! Le lendemain, Ari, pour la première fois, retrouve un souvenir de cette période de sa vie. Une image muette, lancinante : lui-même, jeune soldat, se baigne devant Beyrouth avec deux camarades. Il éprouve alors un besoin vital de découvrir la vérité à propos de cette fraction d'Histoire et de lui-même et décide, pour y parvenir, d'aller interviewer à travers le monde quelques-uns de ses anciens compagnons d'armes. Plus Ari s'enfoncera à l'intérieur de sa mémoire, plus les images oubliées referont surface.

De temps à autre, au cours d’une vie, on tombe parfois sur ce que l’on appelle tout simplement un chef d’œuvre, et, la plus part du temps, cela nous tombe dessus de façon tout à fait inattendu. Alors certes, « Valse avec Bachir » promettait énormément, et je me doutais bien que, après avoir entendu moult louanges à son sujet, je n’avais que peu de chances d’être déçu. Non pas que je fasse énormément confiance aux critiques (ce n’est pas le genre de la maison) puisque je me méfie de celles-ci, mais que, au vu du sujet traiter, la guerre du Liban en 82, et de l’esthétique sombre, mélange de BD européenne et fausse 3D, j’étais persuader, avant coup, que cette œuvre allait me plaire. Après, des différences existent entre le bon ou l’excellent et le chef d’œuvre et celles-ci sont souvent immenses, mais là, oui, je l’affirme, « Valse avec Bachir » en est un, incontestablement. Alors, encore sous le choc du film (d’animation, mais là n’est pas le problème), je craignais de ne pas réussir à exprimer les divers sentiments ressentis, n’ayant de toutes façons pas le talent nécessaire pour réussir à rendre justice à une telle œuvre. Certes, j’aurais put essayer, mais, au vu du texte suivant, écrit par ma femme, je n’éprouve pas de regrets à m’être effacer et a lui laisser la plume (enfin le clavier) pour une fois : celle-ci réussit le plus simplement du monde à retranscrire exactement ce que j’ai put ressentir lors du visionnage de ce superbe film et je l’en remercie :

La démarche psychanalytique est l’essence même de cette œuvre autobiographique d’un réalisateur israélien, Ari Folman, légitimement traumatisé par son expérience de jeune soldat durant la guerre du Liban de 1982. Le début du film nous plonge d’emblée dans une vision cauchemardesque bivalente : l’esthétique ultra réaliste et sombre de la bande dessinée, voir du jeu vidéo, et la terreur nocturne incluse dans la diégèse du film (le héros se trouve pris dans des visions noires terrifiantes qu’il n’arrive guère à s’expliquer). Lors d’une discussion avec un de ses camarades de guerre, il relate ses craintes et tente de remonter le passé, afin d’ associer ses propres images à une réalité qu’il pense avoir connu. De personnage en personnage retrouvé, le héros retrace son expérience traumatique, allant au plus profond de son Histoire puisque c’est la Shoah qui est aussi traitée ici. Car il va se rendre compte qu’en laissant les chrétiens libanais perpétrer ces massacres, lui, comme ses compatriotes israéliens, se sont mis dans la position des bourreaux, comme les sympathisants nazis lors de la seconde guerre mondiale qui ont laissé faire… L’histoire sert-elle de leçon ? L’homme sous l’autorité, en temps de guerre, ne devient-il pas un animal, à l’image de ces chiens errants et menaçants qu’on voit courir dès les premières images du film ? Tel est le questionnement philosophique de cette œuvre magistrale, magnifiée par une esthétique hyper obscure alliant la bande dessinée contemporaine européenne et le jeu vidéo. Instantanément, on est embarqué dans une aventure humaine d’où on ne peut sortir indemne. Le personnage principal, voyageant au plus profond de lui-même et de ses souvenirs qui reviennent petit à petit à la surface, accompagné par une bande son mêlant des musiques de l’époque, à du classique et de la musique de jeu, redevient le jeune soldat qu’il a été, coupable d’avoir su et de n’avoir rien fait, en recherche d’une rédemption, qu’il cherche pour lui et son peuple entier. La conclusion du film transgresse l’univers animé et mêle les images de plus en plus réalistes des massacres, aux vraies images, comme elles avaient pu être filmées à l’époque. Le procédé, bien que régulièrement utilisé (voir par exemple La liste de Schindler où l’on voit ce que sont devenus les vrais descendants), renforce l’émotion que peut ressentir le personnage à la révélation de son propre vécu, et celle du spectateur par la même occasion. La barrière jusque là maintenue par l’effet d’animation est anéantie face à la réalité, achevant le film sur une vision cauchemardesque malheureusement vraie et intense. Le réalisateur, par l’incarnation de son héros, a effectué sa catharsis, aussi dérangeante soit-elle pour lui et la position d’Israël face à ces massacres.

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